Le concours départemental s’est déroulé 28 avril 2025, salle Schuman à Troyes, avec 29 participants.

Un quiz a été proposé, avec pour thème, la vie et l’œuvre de Marcel Pagnol

Marcel Pagnol, Le Temps des secrets La rentrée au lycée

On m’acheta des souliers « cousus main » à semelles cloutées, et nous allâmes choisir un petit pardessus à martingale, que je pus admirer sur ma personne dans un miroir à trois faces et dont je fus aussi fier que d’une cape d’académicien.
À la veille du grand jour, il y eut un dîner, le soir chez tante Rose. Elle me fit présent d’un plumier en carton verni. En appuyant sur un bouton, le couvercle s’ouvrait tout seul : je découvris trois porte-plume neufs, des plumes, plusieurs crayons de couleur et surtout une gomme à effacer si tendre et si onctueuse que je mourais d’envie de la manger tout de suite. L’oncle m’offrit à son tour une boîte de compas qui avait coûté 2F95, c’était marqué sur l’étiquette, un sous-main recouvert de vrai cuir et six cahiers à couverture cartonnée sur lesquels il y avait écrit mon nom, en belle ronde ; on aurait dit que c’était imprimé.

Ces cadeaux me comblaient de joie. Enfin, pendant le repas, mon père me fit longuement ses dernières recommandations. Quand nous rentrâmes à la maison, toutes les pièces de mon équipement furent installées dans ma chambre : les vêtements sur une chaise, les chaussettes neuves dans les souliers neufs, et sur la commode, un cartable giberne en simili cuir, que gonflaient mes cahiers, mon plumier et ma blouse soigneusement pliée.

Bref, ce nouveau départ dans la vie fut préparé avec autant de soin que le placement d’un spoutnik sur son orbite, et j’allais bientôt découvrir que j’entrais, en effet, dans un autre univers.

C’est le lundi 3 octobre au matin, à six heures, que sonna le grand branle-bas, lavé, frotté, récuré et largement nourri de tartines beurrées, j’endossai mon veston de marin. Nous partîmes vers les sept heures et demie. Mon père signalait au passage les noms des rues, pour me mettre en état de retrouver mon chemin. A partir du lendemain, il me faudrait naviguer tout seul entre le lycée et la maison, ce qui m’effrayait un peu. Au bout d’un quart d’heure de marche nous arrivâmes au bout de la rue. Elle débouchait en haut d’une pente rapide, que nous descendîmes à grands pas. Vers le bas de cette déclivité, et sur la droite, mon père me montra une énorme bâtisse.

Voilà le lycée.